Vertiges de Paysages
Michael Bouton se déplace fréquemment ; le temps et le mouvement le meuvent, l’émeuvent et le conduisent à se jouer de la vitesse, pour saisir un angle, une architecture, une forme ou une construction. Soucieux de tenir la mélancolie à distance, propre à l’impuissance ressentie face à l’échappée folle des secondes, attentif aux « petites choses sans qualités» qui composent le paysage en voyage, il met toute son attention et son énergie dans la captation, nécessairement hasardeuse, de la réalité. Autant l’horizon se déploie lentement devant nos yeux, autant ce qui nous est proche ne parvient pas forcement à notre conscience. Déformés par la vitesse du temps qui passe, nous ne les voyons pas réellement. Ce sont ces éléments, cette dimension éphémère, que tente de traduire Michael Bouton.
Comme dans le processus naturel d’érosion de la mémoire, l’artiste ne peut lutter contre l’oubli, l’effacement de ce qui passe trop vite. Par une volonté joyeuse, il nous invite cependant à redécouvrir les merveilles de ses voyages; grâce à ses photographies abstraites, colorées ou sombres, précises ou troubles, entre peinture quasi impressionniste et minimalisme. Avec plus ou moins de contraste, de matière et de netteté, chaque oeuvre est un échantillon de temps, l’empreinte lumineuse d’un rêve. Un jeu optique qui distord un instant, une fraction de seconde invisible à l’oeil nu, qui s’étale tout à coup sur une toile et fait cohabiter, sur un seul et même espace, le futur, le passé et le présent.
Ce phénomène physique, d’ajustement du regard, l’incite à valoriser l’invisible, si proche et imprécis. Il transforme cette imprécision en lignes formelles, en privilégiant l’esthétique verticale, celle du format « paysage »…Rechercher l’abstraction sans déformer les éléments qui la composent implique une mise au point comme un enjeu en soi. Pour capturer un détail, il est contraint de déclencher l’appareil en avance, pour un élément qui appartient déjà au passé au moment précis où son œil le voit. Ce défi participe de la sérendipité de sa démarche : il est toujours question de lumière, de vitesse, de matière et de point de vue.
Au fond, ce qui l’intéresse réside moins dans cette perfection technique d’une photographie comme essence d’un rapport au temps et à l’espace, que l’émotion qu’elle peut créer, toute de beauté, de fugacité et de sensualité.